Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher

Il me faut aujourd’hui vous parler d’un roman bouleversant. Un texte qui a fait vibrer de nombreuses cordes de mon âme de lectrice, alors que je ne m’y attendais pas. Ce livre, c’est Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher, réédité le mois dernier par les Editions J’ai lu avec une couverture sublime et tout aussi poétique que le texte…

Voici la quatrième de couverture :

« Quand ils viendront me chercher, je penserai à l’extrémité de la corniche du nord, car c’est là que j’ai été la plus heureuse, avec le ciel et le vent, et les collines toutes sombres de mousse […]. »

 Au cœur de l’Écosse du XVIIe siècle, Corrag, jeune fille accusée de sorcellerie, attend le bûcher. Dans le clair-obscur d’une prison putride, le révérend Charles Leslie, venu d’Irlande, l’interroge sur les massacres dont elle a été témoin. Depuis sa geôle, la voix de Corrag s’élève au-dessus des légendes de sorcières et raconte les Highlands enneigés, les cascades où elle lave sa peau poussiéreuse. Jour après jour, la créature maudite s’efface. Et du coin de sa cellule émane une lumière, une grâce, qui vient semer le trouble dans l’esprit de Charles.

Je me dois tout d’abord vous parler de l’ambiance de ce roman. Moi qui avais tout simplement adoré le premier tome d’Outlander grâce auquel j’avais découvert l’histoire des Highlands, j’ai retrouvé avec un immense plaisir les clans, leurs codes, leur violence et leurs croyances. On y retrouve aussi cette identité floue de l’héroïne : Sassenach, sorcière, un peu diabolique, mais guérisseuse. L’intrigue se situe globalement à la même époque et les clans sont en voie de disparition à cause de l’omniprésente menace anglaise qui veut anéantir les jacobites.

Au rythme de la vie de Corrag, nous nous heurtons de plein fouet aux préjugés judéo-chrétiens sur ces femmes qui ont appris à guérir au contact de la nature, prennent soin de toutes les formes de vie et sont forcées de vivre en marge d’une société qui les rejette. En nous confrontant à la vie de sa mère Cora, la jeune narratrice nous met face à une violence sociale, verbale et physique qui ne peut que nous révolter. Mais cette colère sourde est encore plus violente au sujet de Corrag qui, nous le savons, n’a rien à se reprocher.

Cette réaction de la société est portée par le personnage de Charles Leslie, un jeune homme qui vient espionner et comprendre et qui, bien malgré lui, se retrouve être le dépositaire de la mémoire de la condamnée. Quelle évolution poignante pour cet homme ! Au fil des lettres qu’il envoie à son épouse après chaque discussion en prison, on sent la haine se dissiper, la compréhension, puis l’admiration poindre.

Comment ne pas le comprendre ? Le récit de Corrag est celui d’une femme-enfant qui n’a pas vraiment d’âge mais qui parle avec une sincérité déconcertante et qui, sans le savoir, assène des vérités qui ne peuvent qu’être évidentes si on se montre attentif. La description des paysages d’Ecosse, des Highlands plus précisément, les montagnes, les lochs, les cerfs deviennent sous nos yeux ébahis un tableau vivant dont je suis ressortie encore plus pénétrée d’une grande déférence pour la nature. De Corrag émane un profond respect pour l’autre, pour la nature, pour la vie en général, qui fait vraiment du bien à l’âme.

En parallèle de cette beauté des choses se déploie une magie des mots incroyable. Ce livre est empreint d’une grande poésie par laquelle je me suis volontiers laissé enchanter. Ce charme poétique n’enlève rien à la double tension narrative du récit. Car, on le sait dès le début, on court à la perte du clan MacDonald (c’est le massacre de Glencoe) et à l’exécution de la sorcière. Chaque page m’a autant émerveillée qu’attristée. Chaque douce pensée ou beau mot de Corrag ou des Highlanders fait sentir, peut-être davantage que la description du massacre lui-même, l’injustice de la situation. Le péril se fait se plus en plus pressant, la colère de plus en plus sonore et la tristesse de plus en plus profonde.

J’ai tout aimé de ce texte et j’ai volontairement pris le temps d’en savourer chaque chapitre. Laissez-vous tenter, vous ne serez pas déçus !

Priscilla