Les Déracinés de Catherine Bardon

Cela fait plusieurs années que ce roman est dans ma pile et que je sais qu’il me plaira. Il fallait juste se lancer, c’est chose faite ! Et en effet… Il m’a plu !

Voici la quatrième de couverture :

Almah et Wilhelm se rencontrent dans la Vienne brillante des années 1930. Après l’Anschluss, le climat de plus en plus hostile aux juifs les pousse à quitter leur ville natale avant qu’il ne soit trop tard. Perdus sur les routes de l’exil, ils tirent leur force de l’amour qu’ils se portent : puissant, invincible, ou presque. Ils n’ont d’autre choix que de partir en République dominicaine, où le dictateur promet 100 000 visas aux juifs d’Europe. Là, tout est à construire et les colons retroussent leurs manches. Pour bâtir, en plein cœur de la jungle hostile, plus qu’une colonie : une famille, un avenir. Quelque chose qui ressemble à la vie, peut-être au bonheur…

Dans le ton général, ce roman m’a fait penser au (bouleversant !) film La Vie est belle. Il montre, en plein cœur de la tourmente, une volonté insubmersible de trouver le bonheur, la gaieté, l’espoir. En cela, il est touchant dès les premières pages, quand le décor s’installe, que les personnages se présentent et que, comme ils sont juifs, en Autriche, en 1932, l’on panique déjà pour eux.

Cette histoire n’est pas une nouvelle histoire de camps. Elle est un autre aspect de la Shoah, que, pour ma part, je ne connaissais pas. Les Déracinés, comme l’indique son titre, raconte l’épopée involontaire de gens qui ne constituent pas un peuple et que l’on a étiquetés comme tels, qui se retrouvent à devoir former une communauté alors qu’ils ne parlent pas la même langue, ne pratiquent même pas tous les mêmes rites religieux, n’ont rien en commun (ou si peu…). Ce qui les unira définitivement, ce sera finalement ça : l’exode, le rejet. Parce qu’ils sont juifs, ils ne sont plus ni allemands, ni autrichiens, ni portugais… Ils ne sont rien…à part juifs. Quel autre espoir pour eux que la création d’un état…juif ?

J’ai été absolument révoltée par la réaction de la communauté internationale. Nous connaissons tous les horreurs nazies, mais la réaction des Européens et des Américains a de quoi faire rougir aussi. Voici donc ces enseignants, ces médecins, ces ingénieurs contraints de devenir agriculteurs et pionniers en République Dominicaine, pays soumis à la dictature d’un homme auquel la communauté juive ne doit être que reconnaissante puisqu’il les a accueillis.

Et, ce qui m’a touchée encore plus, c’est le déracinement de leurs cœurs. Ils ont tout perdu, ils sont loin de ceux qu’ils aiment, ils sont à des années lumières de ce qu’ils aiment et savent faire mais ils n’ont pas le droit de se plaindre parce qu’un jour ils apprennent. Ils voient, ainsi que le reste du monde, Auschwitz, Buchenwald et les autres… Ils comprennent le silence de leurs proches restés en Europe et soudainement, ils ne sont même plus vraiment juifs. Ils ne sont pas « aussi Juifs » que ceux qui ont souffert le martyre. Ils n’ont pas vraiment de raison de pleurer, mais ils ne peuvent faire que cela.

Au milieu de ce raz-de-marée historique, Les Déracinés, c’est aussi une histoire pleine d’humanité. C’est le récit de la manière dont l’amour donne un sens à la vie. C’est le chant de l’espoir dans la tourmente, de l’amitié dans l’exclusion. Impossible de ne pas tous les aimer, immédiatement ! Impossible de ne pas sourire face aux bêtises des enfants, aux petites joies du couple. Almah et Wilhelm sont des personnages inoubliables, imparfaits et tellement touchants. Victimes d’une destinée, d’une tragédie, ne craignons pas les mots, ils ne cessent jamais de se battre. Gagnent-ils ? Difficile à dire. La vraie victoire ne consiste-t-elle pas déjà à ne pas abandonner, à ne jamais cesser d’aimer et d’être heureux quand même, malgré tout ? Si c’est le cas, définitivement, Les Déracinés sont aussi les Victorieux.

Priscilla

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