Les Classiques de Priscilla – L’Etranger de Camus

J’ai relu L’Etranger. Encore. Ce roman fait partie des classiques, sans l’ombre d’un doute. De ceux qu’on lit au lycée, que j’ai moi-même découvert en 1ère (en complément d’une analyse plus précise du Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo), que j’ai relu à chaque fois que j’ai donné des cours particuliers à des élèves qui passaient le bac, pour le concours évidemment, et que j’ai relu hier. Encore.

Ce roman m’a parlé hier. Encore. Je crois que c’est le propre des classiques. Parler de différentes voix, sur différents tons à différentes personnes à différents moments.

Je me souviens que lors de notre première rencontre, Meursault ne m’avait pas touchée. Il ne m’avait pas dérangée, il m’avait laissée de marbre. Passer derrière le personnage émouvant créé par Hugo, avec tout ce qui caractérise son auteur, la grandiloquence, le rythme binaire, le manichéisme, c’est difficile. Passer après Hugo à la moulinette d’une jeune fille de 15 ans encore plus. 

Je me souviens aussi que ce roman devait être lu comme une remise en question du système judiciaire grâce à cet homme, davantage condamné pour n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère que pour son geste, le meurtre d’un Arabe, même pas nommé. Ce crime lui-même est remis en question, expliqué par l’aveuglement lié au soleil et le hasard malheureux. Et je me souviens de l’indifférence déconcertante de Meursault, cette inaction rendant encore plus forte, bien que plus sourde aussi, l’ultime révolte, contre Dieu, contre la loi, contre les hommes.

Je me souviens qu’on a réfléchi sur le titre. Est-ce que l’étranger, c’est vraiment l’Arabe ? N’est-ce pas Meursault lui-même qui nous est étranger parce qu’il est étrange ? Etc…

Hier j’ai été plus sensible à une forme de poésie. Au milieu de phrases simples, courtes, dans un style aussi dépourvu d’émotion que le personnage qui l’emploie, vient sourdre une poésie fugace et juste. Celle qui transforme les coups de feu en « quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur ». « Le jour finissait et c’était l’heure dont je ne veux pas parler, l’heure sans nom, où les bruits du soir montaient de tous les étages de la prison dans un cortège de silence ». Je me suis dit alors, hier, que je n’avais pas été juste avec Camus quand j’avais 15 ans. C’est moins clair, moins caricatural que Hugo mais c’est au moins aussi fort : la pudeur n’est jamais moins forte que l’excès.

Hier je me suis attachée à Marie aussi. A celle qui accepte l’étrangeté de Meursault, ne sachant trop si c’est ce qui l’attire ou ce qui la lassera, qui veut l’épouser sans savoir s’il l’aime, celle qui espère. Un regard, un aveu, un avenir. Hier j’ai été sensible à ce que cet étranger a de commun avec nous, malgré toutes ses différences, et j’ai lu L’Etranger un peu différemment, comme si le roman lui-même m’était étranger. Et j’ai découvert d’autres aspects. Jusqu’à la prochaine fois. Qui me montrera sûrement encore autre chose.

Priscilla