Tout ce que dit Manon est vrai de Manon Fargetton

Entre autobiographie et fiction, entre une Manon ado et une Manon adulte, entre amour et destruction, ce roman fera battre votre cœur de toutes les façons qu’il est possible : d’amour, de colère, de haine. Tout ce que dit Manon est vrai m’a chamboulée et se hisse immédiatement au panthéon des textes que je n’oublierai pas.

Voici la quatrième de couverture :

Manon a 16 ans. Autour d’elle, une ronde de personnages, ses parents, ses frères, sa meilleure amie, ses copains du club de voile. Ce sont eux qui racontent cette année où tout bascule. Manon entame une relation avec un éditeur de quarante ans son aîné. Elle a du talent. Il va la publier. Ils s’aiment. La femme de l’éditeur aussi l’aime. Les lignes se brouillent, tout se mêle : leur histoire, l’écriture, l’admiration. Consciente du danger, la mère de Manon refuse cette prétendue romance. Deux visions du monde s’affrontent. Deux visions de l’amour. Deux visions de ce que signifie être adulte.

Une jeune fille précoce face à un prédateur, une mère prête à tout pour protéger sa fille, un roman choral à la mécanique implacable qui choisit la fiction pour témoigner.

Le premier parti pris de l’autrice est très fort : le titre donne le ton, Manon est celle dont on parle, celle à qui l’on parle, autant – si ce n’est plus – que celle qui parle. On entend aussi les voix et les cœurs de la mère, des deux frères, de l’éditeur, de l’ami d’enfance et c’est avec ces bribes de versions des uns et des autres que le lecteur reconstitue le puzzle, presque à la manière de ces policiers dont on sait très tôt qu’ils sont dans l’intrigue.  

Ces voix qui s’entrecroisent sont aussi le signe de l’impossibilité du dialogue. Les cœurs battent les uns à côté des autres, mais ils ne parviennent pas à battre à l’unisson. C’est le jeu de l’adolescence, c’est la brèche dans laquelle s’immisce facilement un pervers. A fortiori s’il y est invité par les événements : un talent, un salon. Aux problématiques liées à l’âge s’ajoutent celles liées aux rapports de la débutante face au maître. Rien, rien, rien n’excuse Gérald. On le sait, on le sent, il est instable, il souffre et pourtant son attitude, ses mots, surtout, m’ont révoltée. Consciemment ou non, peu importe, c’est un manipulateur. Et tout l’enjeu du roman, c’est de voir comment on prouve à Manon qu’elle est manipulée quand elle veut croire qu’elle est seulement aimée. Gérald brouille toutes les frontières : l’écriture de la BD devient prétexte à évoquer la vie personnelle, les rencontres de salon se finissent dans un hôtel et les hésitations d’une jeune fille sont présentées comme des trahisons.

En face de ce monstre, il y a Manon. Une jeune fille blessée, entourée et isolée à la fois. Une jeune fille emprisonnée dans les non-dits et les mensonges. Si elle semble naïve dans un premier temps, on s’aperçoit vite qu’elle ne l’est pas tant que ça. Elle semble influencée, mais elle mène – et heureusement ! – une part de cette danse à trois. Elle choisit qui elle écoute, qui elle croit. Elle finira même par choisir à qui elle parle. Manon veut faire entendre son cri sans bruit. Elle est incroyablement touchante, d’autant qu’elle est double. Les poèmes que l’adulte adresse à l’enfant ont été des claques à chaque fois car ils jaillissaient au moment où j’avais envie d’adresser précisément ces mots à cette jeune fille. Incroyablement fort.

Entre ces deux forces qui n’œuvrent pas toujours dans la même direction, il y a les adultes. Les parents de Manon qui parviennent à s’unir contre le prédateur, qui travaillent chacun de leur côté à éveiller la conscience de leur fille, à la faire agir en préservant sa sécurité, son intégrité. Quelle succession de drames pour des parents qui, certes, n’ont pas toujours tout fait parfaitement (mais qui le peut ?), mais l’ont toujours fait avec amour. Quelle force chez cette mère qui semble seule à se battre au début et qui parvient à s’entendre dire que c’est elle qui a raison, après avoir été prise pour une folle… Il y aussi l’épouse du prédateur. Un être à part, entre deux. Entre la vie et la mort, entre Manon et Gérald, entre la morale et l’immoralité. Et puis, on comprend. On comprend que Viviane, c’est une Manon adulte, et c’est glaçant, même si ça n’excuse rien.

Plonger dans ce fragment de vie de Manon, c’est se confronter à l’adolescence, au secret, au danger mais aussi à l’amour, à tout ce qu’il a de positif, à tout ce qu’il peut avoir de destructeur. C’est, définitivement, un livre inoubliable ! Merci, Manon, de témoigner, pour peut-être réussir à protéger d’autres Pauline…

Priscilla

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