A la croisée des chemins entre Blanche-Neige, Phèdre et Hamlet, Le Reflet brisé est un roman fascinant qui m’a emportée dès les premières pages pour ne plus jamais me lâcher en me faisant passer par toutes les émotions…
Voici la quatrième de couverture :
Au cœur du royaume de Steinburg, la rumeur se propage : il se dit que la nouvelle reine serait affreusement laide.
Wilhelm II vient de prendre pour épouse Kirsten von Schaffen. Mais l’union n’est que politique, nécessaire pour calmer les tensions avec Brückenberg, la contrée ennemie. Sitôt mariée, la jeune princesse subit de plein fouet la cruauté de la cour. Étrangère au pays, défigurée, sans famille ni amis, elle est une cible facile pour Wilhelm et ses partisans.
Pourtant, en silence, malgré la douleur, la reine calomniée endure et se bat pour exister. Pour prendre la place qui lui revient. Jour après jour, son reflet s’adoucit dans les yeux de son confident : Weiss, son beau-fils. Le prince héritier s’affirme comme l’exact opposé de son père. Il est érudit, altruiste et séduisant. La relation qui se tisse entre les deux jeunes gens, discrète et puissante, brise la solitude de la souveraine.
Mais dans l’ombre de sa chambre, à l’abri des regards, le miroir offert par son époux comme une ultime moquerie murmure à l’oreille de Kirsten …
De lui viendra son ascension ou sa perte.
Je ne peux pas trop dévoiler l’intrigue. En effet, elle est construite finement et est ciselée de telle manière que l’on ne comprend tout qu’à la fin. Nina (oui, vous me permettrez de l’appeler par son prénom, Nina Gorlier est une collègue avec laquelle j’ai eu la chance de travailler l’année dernière) nous leurre, nous malmène et nous bouscule du début à la fin – et on en redemande.
Pour ne rien indiquer de l’histoire, je me servirais des influences qu’elle-même reconnaît dans la dédicace qu’elle m’a offerte. De la tragédie de Shakespeare, on retrouve le personnage du fils, contraint de venger l’honneur de son père, de faire reconnaître la vérité sur sa mort, au point de risquer de tout perdre. De celle de Racine, on reconnaît le schéma de la belle-mère, plus jeune et secrètement amoureuse de son beau-fils. A Grimm, on voit des dizaines de clins d’yeux, toujours détournés. Du miroir qui s’exprime aux pommes empoisonnées en passant par le cœur d’un animal donné par le chasseur, on pourrait alors croire à une « simple » réécriture, mais c’est bien plus que ça. Le statut du héros lui-même est trouble : Kristen est à la fois la jeune princesse et la reine-mère face à un jeune Prince Weiss (dont le nom signifie « Blanc » en allemand) qui devient lui-même une Blanche-Neige plus moderne, protégée par le Chasseur et un Nain.
Dans ce roman, il y a de l’intrigue politique, de la romance, du merveilleux, du polar. Mais le plus déconcertant, c’est ce changement brutal au milieu du roman. Kirsten est d’abord le personnage attachant, la jeune femme humiliée parce que défigurée par injustice dans son jeune âge, on espère qu’elle parviendra à s’échapper des griffes maléfiques de Wilhelm II. Pourtant, à la mort de ce dernier, tout bascule, dans sa vie, dans le château et dans la tête du lecteur. Pour tout vous dire, j’ai même été gênée, comme Weiss, je me suis vu ne pas accepter la vérité : je refusais d’admettre ce qui se dévoilait à mes yeux, c’est dire tout le talent de Nina !
Je ne peux pas vous dire que c’est là une histoire enchanteresse, mais c’est un roman absolument fascinant. Et la fin est imprévisible. Nina maîtrise parfaitement son intrigue et la psychologie de ses personnages. Leur passé est dévoilé progressivement, juste pour éclairer leurs motivations. Le lecteur est aux prises avec les doutes, les hésitations, les décisions des bons comme des mauvais et se voit haïr puis plaindre les bons, comme les méchants.
J’ai dévoré ce livre et je vous le conseille chaleureusement. C’est un véritable coup de cœur ! Il est en lice pour le PLIB 2023 et il le mérite !! Bravo Nina !!
Priscilla