Une fois n’est pas coutume, je ne vous parlerai aujourd’hui, ni d’un album jeunesse, ni d’une œuvre au programme de l’agrégation. J’ai été contactée par les éditions Plon qui m’ont proposé de lire le dernier roman d’Agathe Colombier-Hochberg, dont j’avais adoré un roman précédent, Les Sept premiers jours. J’ai accepté cette petite entorse au règlement intérieur que je me suis fixée cette année parce vraiment, le souvenir de cette lecture est encore bien vif dans mon esprit. J’ai lu ce roman en un aller-retour Paris-Lille et je me suis régalée.
Voici la quatrième de couverture :
En cette fin juin, Philippe, Romain et Stan se retrouvent dans la maison où ils ont tant aimé passer les vacances de leur enfance, à Blonville-sur-mer. Romain a racheté la propriété sur un coup de tête et leur fait la surprise de les inviter alors qu’aucun d’entre eux n’était revenu dans la région normande depuis le décès précoce de leur mère sur la plage. La fratrie se reforme et va devoir cohabiter durant une semaine avec des souvenirs fragiles, des blessures encore présentes et les sensations oubliées d’une enfance commune mais que chacun a vécue selon sa place au sein du trio. Dans cette maison, ils vont devoir se parler, s’écouter, s’accepter. Ne pas fuir pour une fois.
Entre le commercial hyperactif et avide de bruits et de mouvements, le musicien célibataire et le cadet constamment en mission humanitaire, il y a beaucoup d’amour, mais de loin… Quand Romain achète sur un coup de tête leur maison de vacances après une dispute avec sa femme, il sait ce qu’il veut. Il ignore ce qu’il obtiendra.
A l’image de cette maison, dénaturée par les propriétaires précédents, les garçons se retrouvent, différents les uns des autres. Retrouver la trace de souvenirs enfouis derrière la quincaillerie d’étrangers, c’est comme retrouver les complices de l’enfance derrière les rôles de l’âge adulte. Très vite, au lieu de la réunion de famille, on sent la désunion des adultes. Et pour cause…
L’autrice parvient à mettre des mots sur une sensation que tous les membres d’une fratrie ont déjà perçue : on a vécu ensemble, dans la même maison, avec les mêmes parents, mais on n’a JAMAIS eu la même vie. Comment se comprendre dans ce cas ? Pas besoin de parler, on a vécu les mêmes événements. Et pourtant, sans parler, on ne peut se comprendre.
La mort soudaine de la mère, le départ précipité du père à l’autre bout du monde, les enfants malheureux qui reviennent chez leurs grands-parents et qui, pour ne pas les épuiser, se retrouvent en pension ou abandonnent leurs études pour être plus rapidement indépendants, rien n’a été épargné à Romain, Philippe et Stan.
Comment supporter un frère toujours dans la compétition, dans l’auto-suffisance, dans le surjeu ? Comment discuter avec un frère qui préfère la solitude et l’isolement ? Comment ouvrir le dialogue avec un frère qui se met à jouer du violoncelle quand les choses s’enveniment ? L’enjeu, ici, n’est pas tant de réécrire l’histoire, c’est impossible, mais c’est en cela, qu’encore une fois, Agathe Colombier-Hochberg vise juste : si l’on veut renouer avec ses frères et sœurs, ce n’est pas avec l’enfant qu’on a connu qu’il faut discuter, c’est l’adulte qu’il faut apprivoiser. Car la fougue de Romain ne cache-t-elle pas seulement une angoisse profonde de l’échec, tant dans la vie professionnelle que dans la vie personnelle ? Le mutisme de Stan ne dissimule-t-il pas une impression de transparence dans la famille ? Le refuge de la musique pour Philippe ne sert-il pas à compenser un vide ?
En superposant les attentes des uns et des autres, les images que chaque membre de la fratrie s’était faites des autres et les faiblesses qui réapparaissent en une semaine ensemble, les trois garçons vont découvrir que tout est fluctuant, mais qu’ils bougent ensemble. L’aîné n’est pas le plus fort, le benjamin n’est pas le plus insouciant et le cadet n’est pas le plus faible. Ils vont apprendre à se compléter plutôt qu’à s’écraser, à se définir plutôt qu’à se juger.
A travers les visions de l’enfance et les errances de la vie d’adulte, Philippe, Romain et Stan vont apprendre à être eux-mêmes, ensemble. Et c’est ce qui rend ce texte très touchant !
Parce qu’avoir un frère ou une sœur, c’est vivre avec ce paradoxe d’aimer une personne qui a toujours été là, mais qu’on doit sans cesse redécouvrir !
Priscilla