C’est avec grand plaisir que je viens vous parler aujourd’hui d’une pièce de théâtre du XVIIe siècle, bien moins connue que celles de Racine ou Corneille, La Mariane de Tristan l’Hermite, l’une des trois tragédies de cet auteur qui sont au programme de l’agrégation cette année.
Mariane est la femme d’Hérode, qui en, conquérant la Judée, a choisi d’épouser la Princesse, sans s’intéresser à la réciprocité de ses sentiments. Il a bien fait ceci dit… On les retrouve bien des années après leur mariage et la naissance de leurs enfants et l’on apprend qu’Hérode a fait tuer le frère de son épouse, trop aimé de son peuple. Evidemment, cela crée une forme de tension. S’ajoute à cette situation gênante la jalousie de Salomé, la sœur d’Hérode. De quoi est-elle jalouse ? De l’orgueil de Mariane. Vraiment de sang royal, la reine méprise ce roi qui n’a de ce titre que le nom, mais aussi son frère et sa sœur. Cela suffit à sceller le destin de l’héroïne.
Dans cette pièce, on retrouve le motif du songe annonciateur qui effraie le roi, on renoue avec les intrigues et complots de cour, on découvre une femme droite et décidée, aux prises avec tout le reste de sa « famille ».
La grande force envoûtante de cette pièce réside dans le fait que l’on s’attend assez naturellement à détester Hérode et Salomé et à éprouver de l’empathie pour Mariane. Et ça ne fonctionne pas ! J’ai trouvé Mariane beaucoup trop raide, beaucoup trop haineuse pour être touchante, je n’ai ressenti aucune compassion pour elle, elle ne craint pas la mort, elle l’appelle, et même dans cet appel, je n’ai pas été touchée par l’émotion. Salomé est détestable, mais elle joue bien son rôle.
Le point de mire, c’est Hérode. On le connaît sanguinaire et barbare – il est quand même celui qui ordonnera plus tard le Massacre des Innocents – et on le découvre ici fragile. Lui est vraiment amoureux de son épouse (quelle idée de tuer son frère, me direz-vous !!), il est dévoré de jalousie, détruit par la haine qu’elle lui oppose et aisément manipulable pour quiconque connaît ses faiblesses. Ajoutons à cela un orgueil mis à mal par l’insolence de sa femme, une sœur qui lui fait croire que Mariane le trompe et un procès sans preuve dont l’accusée elle-même demande la mort. Pourtant, il veut qu’elle vive, il sent qu’il ne survivra pas à sa mort. Mais il la tue, parce que c’est une tragédie !
Cette pièce, peu connue aujourd’hui (du moins, c’est ce que je crois), connut un succès retentissant lors de sa représentation la même année que Le Cid de Corneille. Elle contient tous les ingrédients de la recette du succès à l’époque.
J’aime beaucoup l’étudier, j’y découvre tellement d’autres choses que la première lecture ne m’avait pas fait déceler : le rôle des personnages secondaires, la question des lieux qui changent ou non, la structure étrange d’une pièce appelée Mariane qui s’ouvre et se ferme sur Hérode. Et nous ne sommes qu’au début de l’année scolaire…
J’espère en tout cas vous avoir donné envie de la découvrir !
Priscilla