Rassurez-vous, je n’ai nullement l’intention de passer le reste de ma vie à relire en boucle A la Recherche du Temps perdu, bien que je sois persuadée que j’y découvrirais à chaque fois quelque chose de nouveau. J’ai juste voulu, ainsi que nous l’a conseillé le professeur en charge du cours sur Proust, me rendre compte de la construction en cathédrale de l’œuvre et pour cela, il fallait que je relise le premier tome et que j’y décèle toutes les problématiques à laquelle Le Temps retrouvé répond. Ce voyage dans le passé n’a pas été sans charme. Ma dernière (et unique !) lecture de Du côté de chez Swann remonte à plusieurs années et je pense que j’avais mal compris certaines choses…
Voici d’abord la quatrième de couverture :
Le plaisir de la lecture, l’heure du thé, le drame du coucher… Par l’évocation d’innombrables petits moments tour à tour délicieux, humiliants, érotiques, décevants, Proust nous invite à prendre part à ses réflexions dans ce premier volume de la Recherche, où les souvenirs d’enfance (« Combray ») et les premiers instants de l’adolescence (« Noms de pays ») encadrent le récit des amours d’un riche collectionneur et d’une demi-mondaine (« Un amour de Swann »). À la manière de Schéhérazade dans Les Mille et Une Nuits, le romancier dévoile une histoire merveilleuse et complexe, qui nous conduit des jardins enchanteurs d’un village français aux sombres ruelles parisiennes, en passant par les feux de l’Opéra et les salons aristocratiques. Nous y suivons son narrateur-héros qui cherche à étancher sa soif d’émerveillement et prenons part à sa quête toujours renouvelée du sens de la vie.
La première partie de ce tome me parlait, selon mes souvenirs, de l’enfance du narrateur. Couvé, protégé, maladif et dans un rapport très exclusif avec sa mère, ce n’est pas un personnage attirant, ni attachant. Mais cette fois-ci, j’ai ressenti cette entrée en matière comme l’amorce de la réflexion sur la mémoire qui clôt La Recherche. Si l’on connaît tous l’épisode de la madeleine, de nombreux autres extraits de texte laissent deviner cette question essentielle du souvenir, de la trace qu’on laisse, des mots qui font vivre.
La seconde partie a confirmé le coup de cœur que j’avais eu pour elle il y a fort longtemps : Un amour de Swann. Mais ce plaisir a été cette fois décuplé par toutes les résonances que cette intrigue, que l’on pourrait croire très secondaire, tisse avec la suite du roman. Swann est, c’est évident maintenant, un double du narrateur. Très cultivé, c’est un jeune homme qui parvient à se faire une place dans une société qui n’est pas la sienne. Sensible à toutes les formes d’art, il voit la réalité à travers le prisme de la peinture surtout, mais aussi de la musique ou du théâtre. Et puis il y a Odette – ou Albertine ! De l’anti-coup de foudre à l’amant passionnel, de la raison criant de fuir à la jalousie possessive, de l’orgueil d’homme détaché à l’amant qui tolère tout, de l’exigence de monogamie à l’enquête sur l’homosexualité. Tout se joue ici. Et Swann, que l’on voit évoluer aux côtés des Guermantes pendant encore quelques tomes, n’est finalement que l’image de ce que serait devenu le narrateur si Albertine n’était pas partie. C’est fascinant, vraiment… Le rôle dévolu au Baron de Charlus, à la duchesse de Guermantes, à la sonate de Vinteuil évidemment, aux Verdurin !… Vous voyez, je pourrais tout relire à la lumière de cette information. J’ai toujours beaucoup aimé Swann, beaucoup plus que le narrateur que je trouve trop torturé pour être touchant. La différence entre les deux tiendrait peut-être à cela : Swann, en bonne santé, aurait toujours été tourné vers les autres, alors que le narrateur se serait davantage analysé…
Dans la dernière partie, Swann est présent mais comme une espèce de figure lointaine alors qu’il fréquentait la maison de famille du narrateur, il n’est plus que « le père de Gilberte ». Deuxième figure féminine génératrice de souffrance (première chronologiquement d’ailleurs), Gilberte fascine le narrateur. De la difficulté à lire dans son cœur de jeune adolescente, le narrateur la rendra tyrannique. L’est-elle vraiment ? En tout cas, ce n’est pas sa version de la réalité et on ne l’apprend que dans Le Temps retrouvé.
Bref, je crois que l’on pourrait lire A la recherche du temps perdu en boucle et découvrir des nouvelles choses à chaque lecture… Pas vous ?
Priscilla
Un monument auquel je ne me suis jamais attaquée, bizarrement.
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Bon, tu sais ce qu’il te reste à faire…🤗
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