Se confronter à La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, c’est se frotter à 900 pages de lettres, pas toujours très digestes, en termes de langue (c’est un fait !) mais aussi en termes d’intrigue. Je vous avouerais que c’est la deuxième fois que je tente de le lire et heureusement, mon premier abandon m’avait donné envie de tester une autre manière de découvrir ce classique : le livre audio. Bon… 27 heures d’écoute quand même !! Mais… Je n’ai aucun regret ! La version que j’ai écoutée est lue par plusieurs acteurs (Xavier Béja, Delphine Brual, Hélène Lausseur, Philippe Bertin et Eric Herson-Macarel) dont chacun tient un rôle. Sans utiliser la vue, on s’attache à ces personnages qui prennent vie par la voix et le tout est devenu bien plus digeste, plus vivant, plus émouvant. Faut-il avouer que j’ai pleuré à la fin ?
Voici la quatrième de couverture :
« J’ai vu les mœurs de mon temps, et j’ai publié ces lettres » : c’est par ces mots que l' »éditeur » Rousseau ouvre La Nouvelle Héloïse, correspondance amoureuse entre Julie d’Étange et son précepteur Saint-Preux. Sur les rives du lac Léman, ces « belles âmes » forment une petite société idéale, où priment les passions douces et la sincérité du sentiment, à l’écart des maux de la civilisation. Dans la lignée des Lettres persanes de Montesquieu, Rousseau conçoit son œuvre comme un laboratoire d’idées nouvelles, qui concentre les questionnements de son époque sur l’homme et ses passions. Roman d’amour, chant élégiaque, mais aussi fiction expérimentale au croisement de l’anthropologie et de la politique : La Nouvelle Héloïse, plus grand succès de librairie de son temps, consacre avec éclat les noces du roman et de la philosophie au XVIIIe siècle.
Alors bien sûr, on peut simplifier cette œuvre immense en évoquant une histoire d’amour un peu mièvre entre deux personnages très (trop ?) vertueux dans une société pleine de gens bien, compréhensifs, aimants et profondément humains. C’est ce qu’en dit Voltaire (on sait son amour pour Rousseau !) : « Le petit valet, philosophe suisse, débite à Julie son écolière la morale d’Epictète, et lui parle d’amour. Julie, en présence de sa cousine Claire, donne à son maître un baiser très long et très âcre dont il se plaint beaucoup, et le lendemain le maître fait un enfant à l’écolière. Les dames pourraient croire que c’est là la conclusion du roman : mais voici, monsieur, par quelle intrigue délicate, par quels événements merveilleux ce roman philosophique dure encore cinq tomes entiers après la conclusion. »
Mais il y a bien plus que cela.
La Nouvelle Héloïse, c’est typiquement le genre de texte que je suis ravie d’étudier pour l’agrégation : une œuvre dense, difficile mais dont on sent toute la richesse et que, j’en suis certaine, les cours ne rendront que plus passionnante.
Oui Saint-Preux est exaspérant à se plaindre constamment, oui Julie est décidément bien trop parfaite, mais dans cette idéalisation, Rousseau parvient à rendre ses personnages attachants. J’ai particulièrement aimé Claire, la cousine, complice de Julie dont l’humour n’est qu’une carapace, j’ai été fascinée par Wolmar, personnage énigmatique, quelque peu inquiétant.
D’aveux d’amour en désirs de fuite, de rendez-vous galants en séparations longues, de protestations d’amitié en auto persuasion, ce roman épistolaire est surtout l’occasion pour Rousseau de prêter ses idées sur l’éducation, la politique, la religion, la vertu à d’autres bouches que la sienne. Ce livre est indubitablement un monument et en tant que tel, certaines lettres y sont longues, trop descriptives mais il faut avouer que l’ensemble reste plein de charme et que j’ai été séduite.
Il me faudra le relire, évidemment, afin de retenir précisément la structure, les enjeux, les thèmes (dont certains m’ont certainement échappé lors de mon écoute), mais je pense que je m’y remettrai avec plaisir.
« Julie ! une lettre de vous !… après sept ans de silence… oui c’est elle ; je le vois, je le sens : mes yeux méconnaîtraient-ils des traits que mon cœur ne peut oublier ? Quoi ? vous vous souvenez de mon nom ? vous le savez encore écrire ?… en formant ce nom votre main n’a-t-elle point tremblé ?… Je m’égare, et c’est votre faute. »
Priscilla