Les Classiques de Priscilla – Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust

Poursuivons, avec ce quatrième tome, notre découverte d’A la Recherche du Temps perdu. Et aujourd’hui, je vous accompagne à Sodome et Gomorrhe. Alors, bien sûr, de nombreux chercheurs du XXe siècle ont cherché à voir, derrière les êtres fictionnels que sont le Baron de Charlus, Morel, le Prince de Guermantes, le narrateur et Albertine elle-même, des correspondances avec des êtres réels, à cause de l’homosexualité de leur inventeur. Je ne m’embarquerai pas sur ce terrain, que je trouve d’un intérêt bien faible.

Sodome et Gomorrhe, c’est effectivement l’entrée dans l’univers parallèle de l’inversion sexuelle. Analysée dès le début de roman alors que le narrateur assiste à l’échange éminemment séducteur puis sexuel entre le Baron de Charlus et Jupien, le giletier de l’immeuble des Guermantes, la théorie de l’inversion peut surprendre en 2022, mais elle s’avère très intéressante. S’ouvre alors un univers différent, dans lequel le narrateur voit apparaître nombre de personnalités croisées lors des précédents tomes.

Ayant fait le tour dans Le Côté de Guermantes de l’univers parisien, notre narrateur passera la plupart de ce tome à Balbec, où il avait rencontré Albertine, Andrée, Elstir ou Saint-Loup lors du second tome. Ce séjour fera renaître de nombreux souvenirs, notamment liés à sa grand-mère décédée, dont le narrateur ne comprend la perte que face au vide laissé par son absence dans un hôtel que son amour avait nimbé la dernière fois.

Comme par un effet miroir, si le lecteur pouvait s’émerveiller de la présence du narrateur dans l’univers fermé et sectaire de l’aristocratie parisienne dans le tome précédent, ici c’est le Baron de Charlus qui envahit l’univers petit bourgeois, représenté par les fameux Verdurin, que nous retrouvons après deux tomes de silence. Si Swann et Odette ne font plus partie de cette société, on y retrouve Cottard, toujours égal à lui-même. M. Et Mme Verdurin, sont, à mon humble avis, toujours aussi détestables. Parvenus voulant faire croire qu’ils sont aussi fins et délicats que ceux qu’ils imitent, rêvant de les côtoyer, le vernis s’écaille quand ils rencontrent vraiment le Baron ou même la marquise de Cambremer. Ils sont creux, vides, méchants, superficiels. Rien ne m’attache à eux, sauf le cynisme et l’ironie dont le narrateur fait preuve à leur égard.

Lors de soirées, qui ne semblent intéressantes que lors des voyages en train qu’elles occasionnent, on découvre Charlus, l’homme si respecté à Paris, affreusement malmené par Morel, au vu et au su de tous, se rendant ridicule et faible par amour. Le Baron perd de sa superbe en même temps qu’il perd son intérêt pour le narrateur.

Et puis, il y a Albertine. Evidemment, en parallèle de Sodome, le narrateur renoue avec Gomorrhe, dont il avait entraperçu l’existence avec Melle Vinteuil à Combray et c’est Albertine qui concentrera tous ses doutes, toutes ses questions, justifiées bien sûr… Albertine a un statut étrange, qui gagne en complexité au fur et à mesure du récit. Elle est objet de désir, passe-temps, complice, lassitude. Puis, soudainement, à plusieurs moments du texte, elle est l’instigatrice d’une jalousie dont on imagine très bien qu’elle sera l’élément central du prochain volume, La Prisonnière.

C’est encore une fois un tome de la maturité. Privé de sa grand-mère, éloigné de Combray, séparé de sa mère qui n’est plus que l’ombre d’elle-même, le narrateur grandit. Il est confronté à la réalité d’un autre monde que celui de Paris, mais où il est tout aussi facile de se perdre. Partagé entre ses caprices d’enfant, ses désirs d’être obéi constamment et son étrange attirance pour les relations complexes, il devient peu à peu l’être avide de comprendre les mécanismes de l’âme humaine, dans ses moments sublimes et dans sa déchéance.

Priscilla

2 Comments

  1. Bonjour ! Votre présentation donne très envie de découvrir l’univers de Marcel Proust qui, à première vue, est assez difficile d’accès. Bravo pour votre post !

    Aimé par 1 personne

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