Depuis sa sortie et encore plus depuis son obtention du Goncourt des lycéens, ce roman me faisait de l’œil. Je ne regrette pas d’avoir attendu sa sortie en poche car le travail des éditions J’ai lu est, encore une fois, remarquable : j’aime beaucoup la couverture et la mise en page en fait un texte très agréable à lire.
Voici la quatrième de couverture :
« Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. » Au nord du Cameroun, au sein des riches familles peules et musulmanes, la patience est la vertu cardinale enseignée aux futures épouses. Malheur à celle qui osera contredire la volonté d’Allah ! Entre les murs des concessions, où règnent rivalité polygame et violences conjugales, la société camerounaise condamne ces femmes au silence.
Mais c’est aussi là que les destins s’entrelacent. Ramla, arrachée à son premier amour ; Safira, confrontée à l’arrivée d’une deuxième épouse ; Hindou, mariée de force à son cousin : chacune rêve de s’affranchir de sa condition. Jusqu’où iront-elles pour se libérer ?
Un roman nécessaire sur bien des points. Djaïli Amadou Amal écrit une fiction basée sur la réalité de ce qu’elle connaît et cela se sent. Dans ce roman, trois parties distinctes : trois destins de femmes. Il ne s’agit de faire un nouveau Jamais sans ma fille, c’est autre chose. On suit une tranche de vie, celle du début de la vie d’épouse de Ramla, Hindou, sa demi-sœur et Safira la première épouse du nouveau mari de Ramla.
Des mariages de ces trois femmes naîtront trois sentiments : la colère pour Ramla, la peur pour Hindou, la jalousie pour Safira. Trois sentiments violents et négatifs qui conduiront ses femmes à se libérer de cet ordre immuable du Munyal, de la patience envers et contre tout, comme réponse à tous les problèmes, à toutes les questions.
J’ai lu certains retours qui se « plaignaient » de l’absence de solidarité entre les femmes. J’ai trouvé ça d’une grande force au contraire. Même en sachant ce que leurs comparses vivent, les femmes sont tellement formatées à penser ce qu’on leur inculque qu’il ne leur viendrait pas à l’idée de se soutenir les unes les autres, à chacune sa croix. On peut éventuellement se donner des conseils, mais le seul qui permet de ne pas ternir l’honneur de la famille, c’est Munyal, et c’est totalement inacceptable.
Ramla aurait pu devenir pharmacienne aux côtés d’un jeune étudiant amoureux d’elle qui n’aurait pas bloqué ses ambitions. Hindou aurait pu tout accepter plutôt que d’être mariée à ce cousin que tout le monde sait alcoolique et drogué. Safira menait sa maison parfaitement et rendait son mari heureux, comment accepter, après 22 ans de monogamie, l’arrivée d’une petite jeune ?
Dans toutes ces situations, le point commun, c’est la violence. La violence physique ou au moins verbale des maris, mais surtout la violence des pères qui imposent sans se soucier des ressentis de leurs filles, mais aussi celle des femmes qui se montrent inflexibles.
Ces trois femmes seront des impatientes en effet, car elles refusent de se soumettre au Munyal, mais à quel prix ? Je crois que c’est le plus révoltant. Il n’y a pas d’échappatoire. Partout où elles iront, ces femmes, qu’elles s’enfuient ou non, resteront prisonnières de l’image que leur société a créée d’elles : folles, dangereuses, débauchées, alors qu’elles ne veulent être que libres. Il n’y a aucun pathétique dans les mots de l’autrice, les faits sont décrits, les attitudes ne sont jamais l’objet de jugements. Voilà ce qu’il se passe, c’est un fait, et ça suffit à révolter la femme que je suis. C’est un roman qui frappe, qui marque au fer et que je ne suis pas près d’oublier.
Priscilla