Oui, je l’avoue, je fais partie de ces anciennes adolescentes qui ont été bercées par les films d’Angélique et de Sissi. Si les films avec Romy Schneider font rêver toutes les petites filles qui viennent de quitter le monde des princesses, ceux qui relatent la destinée d’Angélique sont beaucoup plus sombres et du même coup, ont quelque chose de fascinant. Michelle Mercier y est tout simplement splendide et Robert Hossein y campe un Joffrey de Peyrac ténébreux, dont on est toutes tombées amoureuses. Mais au-delà de l’aspect romantique de l’histoire, cette intrigue est intimement mêlée à une Histoire violente, à des mœurs décadentes et à une vision de la femme largement dégradée. Et pourtant, avec tout ce qui fait la réussite de cette saga, il manque de nombreux éléments par rapport au roman d’Anne Golon, que j’ai lu une première fois à mes 17 ans et que je suis ravie d’avoir redécouvert grâce aux Editions de l’Archipel.
Voici la quatrième de couverture :
À peine sortie du couvent, Angélique apprend que le baron de Sancé, son père, l’a promise au riche et inquiétant Joffrey de Peyrac, comte de Toulouse, un homme boiteux et balafré à la réputation sulfureuse.
Pour sauver sa famille de la misère, la jeune fille n’a guère le choix. Mais comment vivre avec ce mari qui l’effraie ? Un palais somptueux, le caractère original de Joffrey, son goût pour les sciences et les arts suffiront-ils à la séduire ?
L’indépendance du comte de Peyrac provoque le ressentiment de l’Église et du roi lui-même, vainqueur de la Fronde qui vient de ravager la France. À quel obscurantisme, à quels intérêts secrets l’homme qu’Angélique a appris à aimer risque-t-il d’être sacrifié ?
Cette réédition, publiée à l’occasion du centenaire de la naissance d’Anne Golon, inclut une préface de sa fille Nadine Goloubinoff et un cahier hors texte de documents rares ou inédits.
J’adore les romans historiques, et la période qui touche au Roi Soleil a toujours eu, pour moi, quelque chose de fascinant. Sous des dehors luxueux et derrière une étiquette très stricte se jouent des intrigues incroyables et une morale plus que douteuse. Le roman d’Anne Golon est d’une précision d’orfèvre quant aux détails historiques, qu’il s’agisse de la description du mariage du roi, des indications sur la Fronde, sur les impôts ou sur la vie provinciale et parisienne. On est complètement immergés dans l’époque comme on l’est dans le destin atypique de cette jeune noble désargentée qu’est Angélique de Sancé.
On y découvre une enfance passée sous silence dans le film. Angélique a deux sœurs, elle a aussi une mère en plus de ce père âgé auquel elle est très attachée. Elle est également élevée par sa nourrice qui lui narre des contes assez affreux qui lui ouvrent très vite les yeux sur la violence du monde qui l’entoure. Angélique est, dès l’enfance, une petite fille assoiffée de liberté qui aime courir et jouer, plus avec les garçons qu’avec les filles. N’ayant pas froid aux yeux, elle empêchera une tentative d’assassinat du roi sans se rendre compte que cette action irréfléchie décidera d’une part de son destin.
Il y a ensuite la vie au couvent que l’on découvre rapidement, les obligations des jeunes filles, le parloir. Et puis enfin, il y a ce mariage toulousain. Joffrey est d’abord la solution pour sauver la fortune de ce père devenu veuf, il est ensuite tout ce qu’Angélique déteste : il boite, il est laid et il est son mari. Mais rapidement, la magie va opérer. Le château du Gai Savoir, son personnel africain si bien traité pour l’époque vont rapidement fasciner l’ingénue jeune fille. Joffrey de Peyrac ne brusquera rien : considérant comme seule vraie victoire d’obtenir l’amour de son épouse, il n’utilisera ni la force, ni la menace, mais la patience et le charme. Il l’envoûtera, lui, la Voix d’Or, qui chante des histoires d’amour et de sensualité qui éveilleront le désir d’Angélique avant que les mains de son époux n’éveillent son corps.
Quand les résistances cèdent, Angélique et Joffrey sont des gens heureux et riches. Sûrement trop heureux et trop riches. Le complot qui les atteint est d’une extrême violence et s’avèrent bien plus retors au fil de l’avancée du procès. Là aussi, on découvre plein de choses sur le fonctionnement de la justice de l’époque et on découvre le personnage de Desgrez, dont on sait, quand on a vu le film, qu’il deviendra de plus en plus important.
Bref, je ne vous en dis pas plus, même si je peux devenir intarissable sur le sujet. J’ai adoré me replonger dans cette ambiance historique et dans cette destinée tragico-romantique. Tous les amateurs de romans historiques devraient se laisser tenter par les romans d’Anne Golon, beaucoup moins mièvres que le film – que j’adore quand même, vous l’aurez compris – de Bernard Borderie.
Cette réédition est tout simplement magnifique : la couverture est sublime, l’écriture très agréable à lire et le dossier central est beau est très enrichissant. Bravo aux éditions de l’Archipel !
Priscilla