Les Classiques de Priscilla – La Promesse de l’aube de Romain Gary

Ce texte appartient à la quantité astronomique de romans que j’ai voulu dévorer dans l’optique de réussir le CAPES en 2010. En tant que tel, je l’ai lu, oui, et il n’y a pas si longtemps, mais il s’est perdu dans les méandres de ma mémoire immédiate, avec beaucoup d’autres, je dois le déplorer. S’il ne m’en restait que peu de souvenirs, j’en avais gardé un ressenti : un texte d’une grande beauté et beaucoup de belles émotions.

Pour ceux qui ne connaissent pas, voici l’une des quatrièmes de couverture :

« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. » Et c’est ainsi que Romain Gary explique le titre qu’il donne à son autobiographie, La Promesse de l’aube. Fils unique d’une mère qui rêve sa progéniture en génie – un futur Victor Hugo, un aviateur pionnier comme Guynemer, un don Juan… -, il sera à la hauteur de beaucoup de ses attentes même quand elle ne sera plus là pour le constater… Cette autobiographie, un peu romancée, est poignante et également drôle, servie par un style brillant. On tourne les pages sans même s’en apercevoir.

Ma seconde lecture m’a permis de retenir bien d’autres choses de ce texte qui mérite d’être connu. Bien sûr, il reste un chant d’amour, un bel hommage rendu par un fils à sa mère. Cette femme incroyable, au tempérament de feu et dont l’amour étouffant va décider de toute la vie de l’auteur, est présentée avec beaucoup de tendresse et beaucoup d’humour. Romain Gary n’enlève rien à la force et au dévouement de sa mère mais montre aussi au lecteur tout ce que cette adoration maternelle pouvait avoir de gênant.

A travers le destin de cette petite famille, on en apprend également beaucoup sur la vie des immigrés au début du XXe siècle en Europe. J’ai été profondément touchée par des épisodes très connus, comme celui du bifteck de midi, que la mère réserve à son fils, lui faisant croire qu’elle ne mange pas de viande, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive de la supercherie et réalise à quel point sa mère se sacrifie pour lui, et plus discrets, comme celui des lettres pendant la guerre. L’amour qui les unit, l’ingéniosité de cette femme, la détermination de ce jeune homme, qu’ils aient été exagérés ou non lors de l’écriture, témoignent d’une tendresse forcément bien réelle.

Mais au-delà de cette belle déclaration d’amour, j’ai ri… Souvent !

Je tiens d’abord à souligner deux petites choses qui m’ont, je l’avoue, choquée : il s’agit de la manière dont le narrateur évoque l’homosexualité. C’est très particulier… Il n’a rien contre les homosexuels (je crois), mais la manière dont il appréhende l’idée selon laquelle un homme puisse être attiré par un autre homme m’a un peu dérangée. Deuxième point, ce qu’il dit de l’inceste. Alors, évidemment, c’est à prendre au millième degré puisqu’il n’en est pas question dans la vie des personnages, mais il compare l’inceste (consenti !) à la guerre et estime que ce n’est pas vraiment grave… Ca fait bizarre à la lecture !

Mais à part cela, j’ai vraiment passé un bon moment. Romain Gary ne manque ni de finesse, ni de cynisme, ni d’auto-dérision. Il en fait plus les frais que sa mère. Il ne cesse de voir dans ses bêtises d’enfants la projection de ses erreurs d’adultes. Il projette les fantasmes de réussite de sa mère sur son effective réussite. Quel plaisir de lire des chapitres comme celui sur Valentine, sur le cours de tennis, sur la venue de sa mère au camp militaire, sur l’emploi d’un acteur pour jouer le grand couturier.

C’est un texte vraiment complet : on rit, on est ému, on apprend sur les immigrés, sur la Résistance. J’ai finalement été bien plus touchée par cette relation mère-fils que par celle décrite par Albert Cohen dans Le Livre de ma mère. Cette mère, complètement imparfaite, est tellement plus humaine, tellement plus proche de nous. Bref, vous l’aurez compris, si vous ne connaissez pas, je vous le recommande ! Chaleureusement…

Priscilla

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