La Marquise des ombres de Catherine Hermary-Vieille

Moi qui raffole des romans historiques, j’ai été pleinement servie avec ce texte de Catherine Hermary-Vieille. 600 pages d’une précision d’orfèvre sur cette femme étrange, la Marquise de Brinvilliers, première figure de la noblesse à tremper dans ces tristes complots autour du poison, qui ouvrent la voie aux sombres messes noires de La Voisin.

Voici la quatrième de couverture :

Après une enfance endeuillée par la mort de sa mère, Marie-Madeleine d’Aubray arrive en 1643 à Paris, où son père est nommé lieutenant civil. Marie-Madeleine rêve sa vie future et s’imagine grande dame, riche, fêtée, et, par-dessus tout aimée. Le mariage organisé par son père avec Antoine Gobelin, bientôt marquis de Brinvilliers, ne lui apportera que le confort financier et ne comblera pas ses désirs. Ses deux passions profondes vont alors très vite trouver à s’incarner en deux hommes qui seront mêlés à toute sa vie : l’argent, en Pierre-Louis de Penautier, trésorier des états de Languedoc et homme d’affaires, et l’amour, en Jean-Baptiste de Sainte Croix, aventurier et alchimiste. Dès lors, le destin de la marquise de Brinvilliers est tracé. Dépensant sans compter pour satisfaire ses goûts de luxe et encore plus ceux de son amant, se lançant dans des placements aventureux conseillés par Penautier, elle vivra des années brillantes sans cesser d’être au bord de la ruine. Prête à tout pour sauver des apparences qui lui tiennent lieu de bonheur, Marie-Madeleine ne saura pas arrêter l’enchaînement infernal qui la mènera jusqu’au crime. Autour d’une femme entraînée par sa faiblesse et ses passions, Catherine Hermary-Vieille a peint la vie d’une société et d’une époque où l’éclat des uns ne cache pas la misère des autres. Un extraordinaire travail de recherche lui a fait découvrir un personnage fascinant, émouvant, inoubliable, que sa sensibilité et son talent lui ont permis d’animer.

Les forces de ce roman sont nombreuses. Tout d’abord, la précision des recherches est incroyable : on apprend le rôle de nombreux nobles, l’hypocrisie de la cour et des relations entre ses membres, mais aussi tous les enjeux liés à l’argent, aux dettes, à l’honneur. Catherine Hermary-Vieille parvient à donner à l’ensemble un vrai souffle romanesque. On ressent pour les personnages différentes émotions, et il est difficile à l’issue de ma lecture, d’en nommer une par individu. La complexité des relations et des caractères est d’une vraie richesse.

Le personnage de la Brinvilliers est multiple et sombre. Il ne s’agit pas de l’innocenter, mais elle n’est pas non plus présentée comme un monstre. La voix du narrateur parvient à se défaire de toute tentative de jugement, donnant à l’ensemble une neutralité qui rejoint de façon très intelligente l’impassibilité de l’héroïne, qui n’est motivée que par la rage. Détruite par une enfance qui lui a fait perdre confiance en la nature humaine, Marie-Madeleine d’Aubray sera méjugée par son époux, par ses frères et au lieu de s’en vouloir, elle fera de son passé une force, une emprise sur tous ces hommes qu’elle méprise. Elle ira toujours trop loin, franchissant allègrement les limites de la bienséance et de la morale en général. Ses élans de culpabilité seront brefs et intermittents. Les hommes qui l’entourent ne sont pas plus fiables qu’elle, qu’il s’agisse de son père qui n’a rien vu quand il devait la protéger, de son époux absent, de son amant cupide ou de son ami ambitieux.

La peinture de la vie de cette femme a cela de passionnant qu’elle part du « milieu enviable » de la société pour fréquenter les plus hautes sphères et finalement tomber plus bas que terre, mourant devant la foule, décapitée puis brûlée. On découvre donc la vie des familles bourgeoises de campagne, celle, plus dévergondée des nobles peu soucieux de la morale, puis enfin la pauvre vie des nobles déchus, jusqu’à la vie en prison, à la Conciergerie.

La chute de la marquise s’accompagne d’un regain de morale, d’une nouvelle foi en Dieu, en l’espérance d’une vie meilleure ensuite. Elle se montrera alors humaine, préoccupée de sa famille, pleine de regrets et d’amour. Ces événements sociaux peignent donc aux yeux des lecteurs différentes facettes d’une femme trouble, dont on ne sait jamais ce qui compte pour elle, quand elle est sincère ou non.

Le seul bémol que je noterai dans ce roman, c’est la longueur, notamment de la fin. Les précisions historiques sont telles que parfois, après plusieurs dizaines de pages, on s’aperçoit que la situation n’a pas beaucoup évolué, mais n’oublions pas qu’à cette époque, les trajets, les convocations, les enquêtes demandaient bien plus de temps qu’aujourd’hui, ce qui explique aussi la lenteur du texte.

Mais je ressors de cette lecture vraiment satisfaite, avec la sensation d’avoir appris beaucoup de choses et de façon très plaisante.

Et vous, vous aimez les romans historiques ? Quelle époque a votre préférence ?

Priscilla

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