Rien n’est noir de Claire Berest

De Frida Kahlo, je ne savais pas grand-chose. Quelques tableaux étudiés lors de la séquence sur l’autobiographie avec mes élèves, et de fait, quelques renseignements glanés ici et là, sur son accident, sur ses origines, pour parfaire les explications fournies à mes troisièmes.

Claire Berest, avec son roman, Rien n’est noir, m’a mis sous les yeux un personnage, riche et coloré. En refusant la structure chronologique à son texte, l’autrice nous permet d’appréhender Frida Kahlo par flash, par superpositions de couches passionnantes.

On découvre par à-coups la jeune fille, forte et pleine de rêves et d’ambitions, l’une des premières à intégrer une école de garçons, une communiste qui assume sa soif de liberté, de sexe et de babioles ; la rescapée d’un accident aux conséquences dévastatrices sur ce corps qu’elle ne pourra plus jamais dompter, la peintre qui tente d’oublier son immobilité dans les couleurs et les formes, condamnée à peindre son reflet, seule image qu’elle parvient à voir alitée, la femme enfin, celle de Diego Rivera, mais pas seulement. De Frida Kahlo, on saisit la mère qu’elle aurait pu être, l’amante qu’elle a été, l’épouse aimée qu’elle ne peut être que par intermittence.

J’ai été happée par les mots de Claire Berest, qui joue de la syntaxe comme les deux héros du roman des couleurs. L’urgence de vivre, la violence des passions, la lutte des egos, la tension politique, tout nous est offert par touches, sans qu’aucune explication ne soit nécessaire, tant le ton suffit.

De Mexico à New York, en passant par Paris, on déambule avec une femme forte, une femme folle et une femme amoureuse, prête à tous les sacrifices, sans vraiment donner l’impression qu’elle se sacrifie, pour un homme qu’elle a déifié et qui peut tout se permettre…sauf ne plus l’aimer.

La sensualité déborde de ce texte sur une femme, dont pourtant, très tôt, les sens sont altérés. Altérés par une douleur lancinante qui ne se fait jamais oublier. Frida se noie dans l’alcool, dans la danse, dans le sexe, dans l’amour, dans les couleurs et dans les puddings. Comment faire autrement ? « Nous mourons à chaque seconde, mi hijo, alors ça ne vaut pas le coup de quitter ce monde sans s’être un peu amusé, si ? » Frida ne cherche rien, elle ne veut rien, elle vit. La seule chose qu’elle demande, c’est Diego. Toujours, tout le temps, même de loin, même en le partageant avec d’autres, mais Diego. Et elle l’aura, de toutes les manières que l’on peut avoir quelqu’un. C’est lui qui lui ouvre les yeux, c’est lui qui éteint ses illusions, c’est lui qui fermera ses paupières.

C’est un texte que j’ai trouvé beau, plein d’émotions qui détonnent tellement que parfois on les croit contradictoires, mais non. Rien n’est noir, c’est un chant de vie.

Vous connaissez ?

Priscilla

6 Comments

  1. Oui, je l’ai lu il y a un peu moins d’un an et j’avais beaucoup aimé !
    Les titres de chapitre évoquant des nuances mais aussi plus largement le parcours de Frida que je ne connaissais pas bien et la manière dont elle s’est mise à la peinture : c’est un texte fascinant !

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire